- Laurent Robert
N’être pas un classique, n’être pas un auteur du premier rayon, mais être avec constance réédité par de prestigieux éditeurs parisiens (Corti et Grasset), mais être lu par un public d’admirateurs fervents, qui se repassent son nom comme un talisman, comme un mot de passe, telle est l’étrange postérité de Georges Fourest (1864-1945), l’auteur de La Négresse blonde (1909) et du Géranium ovipare (1935). Ce paradoxe apparent est conforté par un relatif silence critique. En effet, les rares analystes se sont généralement penchés sur la seule section du « Carnaval de chefs-d’œuvre » dans La Négresse blonde, voire sur le seul poème du « Cid ». Leurs réflexions visent à caractériser la poétique de Fourest en convoquant les notions de travestissement burlesque (Genette, 1992 : 89-91), de pastiche ou de parodie (Hutcheon, 2000 : 38), ou cherchent à établir quels seraient les hypotextes de Fourest – en particulier pour « Le Cid » (Rodiek, 2000 : 77-87). Si ces approches sont pertinentes, elles n’en paraissent pas moins trop restrictives et ce, tant pour l’espace textuel décrit que pour les concepts poétiques utilisés. En réalité, c’est l’ensemble de l’œuvre de Fourest qui s’avère presque constamment hypertextuelle, et ce par des stratégies poétiques diverses, qui restent à décrire mais qui impliquent aussi bien la sémiotique des citations et des épigraphes que l’analyse de l’allusion, du calembour, de l’à-peu-près, voire du pastiche. Dans cette perspective, la pratique de la versification de Fourest ne peut a priori être considérée comme dénuée de signification. Il importe en effet de découvrir si, d’une manière générale, l’impertinence fourestienne frappe également le mètre – voire les strophes – des poèmes ou si, au contraire, s’opère un contraste entre une pratique métrique qui serait, vraisemblablement, plutôt parnassienne ou banvillienne, et une poésie toute d’ironie, de fantaisie, de second degré. C’est précisément l’objet de la présente étude, qui s’attachera à décrire la pratique de la versification dans La Négresse blonde et Le Géranium ovipare – sans faire abstraction, cependant, des dimensions historique et stylistique qui peuvent éclairer la poétique de Georges Fourest. Read more